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Documentaire, 90', témoignages des femmes qui ont vécu la guerre d'Algérie : combattentes FLN, ALN ou OAS, EMSI, musulmanes, juives ou pieds noirs de toutes confessions,

Extrait d’interview: ARLETTE LANKRI CHAROUSSET...

Publié le 13 Mars 2013 par Guerre d'Algérie, mémoires de femmes-le film

Extrait d’interview: ARLETTE LANKRI CHAROUSSET...

Extrait d’interview: ARLETTE LANKRI CHAROUSSET (famille d’origine juive de Sidi bel Abbes)



Quels sont vos premiers souvenirs d’enfance ?

Je suis née en ’41. En ’41 ce n’était pas facile et maman a eu beaucoup de mal à nourrir les trois, parce qu’il y avait deux sœurs avant moi et moi-même. Je me rappelle, je devais avoir 3 ans, maman m’envoyait chercher des bols de sucre, parce que, quant on envoyait un enfant, on donnait une ration un petit peu plus importante. C’était quand même la guerre, hein ? Les Américains sont arrivés je crois en ’42 ou en ’43. Et donc je pense que c’était une période de misère.
Mon père avait un magasin que ses parents lui avaient donné. Puis, comme il est parti à la guerre, pendant la guerre de’40, tout a périclité, donc on n’avait plus grande chose.

Est-ce qu’après ils ont réussi, vos parents, à refaire le niveau de vie ?

Très peu. Pourquoi, je ne sais pas, parce que tout a périclité, mais ce que je sais c’est que le magasin était rempli, je me rappelle quand j’étais toute petite, et puis vers 6-7 ans y avait plus rien sur les étagères.
J’allais à l’école, y avait des Musulmans, des Juifs et des Arabes, on était tous mélangés. Moi, le mot « racisme » je n’ai jamais, jamais entendu parler de ce mot-là. Jamais, jamais, jamais. Quand mes parents voulaient dire quelque chose, ils parlaient en espagnol tous les deux, pour ne pas qu’on comprenne. Et puis moi, à force d’aller à l’école avec les petites musulmanes j’ai appris un tout petit peu. C’est après que j’ai fait de l’arabe dans les dernières classes, écrit et parlé, plusieurs dialectes. Mais j’avoue que ma vie a été très riche dans le sens que j’ai fréquenté toutes les communautés. Et il n’y avait réellement, mais réellement pas de différence. La différence, nous ne l’avons pas connue. Moi- je ne l’ai pas connue. La différence je l’ai connue quand je suis arrivée ici. Ca, ça a été autre chose.

De quelle manière ?

Eh bien… Mais déjà, quand j’ai commencé à chercher du travail, on me faisait comprendre que chacun avait… Y avait plusieurs clans, c'est-à-dire qu’y avait les catholiques, les musulmans… ben, y en avait pas beaucoup à l’époque, et puis les Juifs… Eh ben, les Juifs c’était… Enfin, c’était différent, et puis personne ne parlait. C’était un mutisme surtout.

Pour revenir à votre enfance …Vous avez des amis?

Les amis venaient à la maison, y avait pas de différance. Par exemple le Noël, eh bien on allait toutes, même les petites musulmanes, à la messe de minuit. Maman, elle venait avec nous, la maman disait « tiens, tu emmènes ma fille », et donc on emmenait la fille. Les garçons étaient un petit peu à part chez les musulmans. On n’avait pas toujours des contacts avec les petits garçons. Mais avec les filles, oui. Et puis l’école c’était école de filles et école de garçons.

Vous avez eu des amies de toutes les communautés – juive, chrétienne, musulmane ?

Absolument ! Et puis les fêtes, eh ben on les passait tous ensemble -les fêtes juives, le Ramadan, - le soir on allait, même si on avait mangé, on allait manger avec eux…
A Sidi Bel Abbes, effectivement, pour chaque fête de chaque communauté, on se réunissait. On a vécu comme ça, c'est-à-dire que les Israélites quand y avait surtout la fête de Pâques et la fête du Grand Pardon, venaient… C’est vrai, le rabbin portait un manteau long, noir – ça m’a choqué, ça -, et puis un chapeau très, très dur sur la tête. Il avait huit enfants !

Comment se passait, par exemple, les Pâques, ou la rupture du jeun pour les musulmans ?

Ils étaient d’une très grande générosité. Ils faisaient passer les messages par les enfants: « Tu sais, ma maman aimerait bien que vous veniez ce soir ». Ils nous préparaient des plats et quand ils venaient à la maison, même quand on n’avait pas assez de chaises, on mettait des poufs, et puis on se réunissait. Ca, ça a été ma jeunesse. Vous savez, sur cette terre on avait tout. C’était notre sol, c’était le sol où nous avions commencé à marcher. Donc, non, y avait pas de différences. La différence, je l’ai connue que… bien après.

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