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Documentaire, 90', témoignages des femmes qui ont vécu la guerre d'Algérie : combattentes FLN, ALN ou OAS, EMSI, musulmanes, juives ou pieds noirs de toutes confessions,

Extrait d’interview : Colette Ducos-Ader, pied...

Publié le 12 Mars 2013 par Guerre d'Algérie, mémoires de femmes-le film

Extrait d’interview : Colette Ducos-Ader, pied...

Extrait d’interview : Colette Ducos-Ader, pied noir de la Mitidja:


Comment était la vie en Algérie à l’époque de votre enfance ?

C’était une vie douce et heureuse. Je suis née en 1939. En 1945, quand les évènements de Sétif ont éclaté, nous vivions dans un petit village qui s’appelait Souma, très près de Blida. Nos parents étaient bien considérés, et les ouvriers agricoles ont demandé à mon père de nous mettre à l’abri momentanément, pendant ces évènements de Sétif. Et ça je m’en souviens très bien, nous avons chargé la voiture de bagages, de tout ce que l’on pouvait amener, et nous sommes partis chez ma grand-mère à Blida, parce que là on se sentait plus en sécurité. Ca c’est un flash que j’ai en permanence sur ces évènements de ’45.

Votre famille habitait en Algérie depuis plusieurs générations ?

Du côté paternel – maternel aussi d’ailleurs, c’est à peu près la même date - ils ont débarqué en Algérie en 1850. D’un côté il y a des savoyards et de l’autre côté c’est les Vosges et la Bavière.

Et pourquoi sont-ils allés en Algérie ? C’est quand même une grande révolution dans la vie de quelqu’un de quitter son pays ?

Oui, mais… Dans les Vosges c’était des gens qui étaient très pauvres, des agriculteurs ou des petits artisans, et on leur a fait miroiter que l’Algérie c’était une terre nouvelle, une terre de peuplement, donc il fallait essayer de partir chercher un peu l’aventure. Je pense que nos grands-parents avaient déjà dans les gènes un peu l’aventure, parce que amener une famille dans un pays en partant sur des chalands jusqu’à Toulon, partir sur des bateaux qui étaient ce qu’ils étaient à l’époque, en 1850, je crois qu’ils avaient ce goût de l’aventure ! Mais aussi je crois qu’ils ont eu confiance dans le gouvernement de l’époque qui disait « vous allez créer une terre nouvelle, vous allez faire quelque chose pour la France » …

Ils sont partis avec tout ce qu’ils avaient ?

Mais je pense qu’ils sont partis avec trois fois rien. Si ce n’est avec des souvenirs, parce que… je ne vois pas de meuble datant de 1850 chez nous. Non, pas du tout. C’était des petites gens. Donc ils sont arrivés avec des malles comme cela se faisait à l’époque et qui sont restées après longtemps dans la famille, mais sans plus. On leur a donné des concessions, puisque certains étaient déjà agriculteurs. Ceux qui ne l’étaient pas en France le sont devenus obligatoirement, puisque on donnait des terres, des concessions. Et il y avait des personnes de France ou des Suisses, ou des Allemands, des Belges qui arrivaient à cette époque également et qui ont pu essayer d’acheter des terres.
Donc… le peuplement s’est fait surtout par villages. Il y avait le village des Alsaciens-Lorrains, le village des Vosgiens, le village des Espagnols, le village des Italiens, c’est comme ça que s’est fait le peuplement. Nos ancêtres sont arrivés dans ce que l’on appelle La Plaine de la Mitidja. C était une plaine qui est devenue très fertile après leurs travaux, mais au départ c’était des marécages. Il y avait beaucoup de morts par les fièvres,
Il y a eu une rébellion des Arabes qui étaient restés en place, que l’on appelait les « Hadjout ». Toutes les nuits, les fermes de ces colons - ce n’était pas des bâtiments extraordinaires, c’était des baraquements- étaient attaqués. La journée ils travaillaient la terre sous garde, prenaient les gardes les uns après les autres. Notre grand-mère nous racontait ses terreurs d’enfant quant leur maman - elle leur parlait en allemand, puisqu’elle était bavaroise-leurs disait qu’il fallait faire très attention, qu’il y avait les Hadjout qui arrivaient. Donc ça est resté aussi dans notre mémoire collective. Et puis après petit à petit les choses se sont arrangées, les terres ont fructifié par le travail de nos ancêtres, et ça n’était pas, contrairement à ce qu’on peut dire, de très gros colons ! C’était des colons, certes, mais avec des mains bien calleuses et des journées de fatigue dans les bras et dans les jambes.

Donc les terres qu’ils ont eues, c’est des marécages ?

Pour nous, pour notre famille, la plupart ça a été ça, ça a été des marécages. Ils ont planté de la vigne et d’ailleurs quand nous sommes partis, en ’62, c’était encore des vignes. Nous étions restés sur les terres familiales pour une bonne partie de la famille.

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